Comment s’est passée la mise au tombeau du Christ ?
Comment s’est passée la mise au tombeau du Christ ? Quel rôle tient ici le linceul ? Cinquième élément du décryptage de l’historien Jean-Christian Petitfils, tiré de son livre Jésus.
La tombe découverte en 1883 à 250 m au nord des murs ottomans de Jérusalem et de la porte de Damas par le général britannique Gordon, présentée par les protestants anglo-saxons comme le lieu d’inhumation du Christ, est fort intéressante d’un point de vue archéologique, dans la mesure où elle présenteune riche sépulture du 1er siècle, mais elle est en aucun cas un rival sérieux su Saint-Sépulcre (1). Il en va de même de la tombe de Talpiot, dans la banlieue de Jérusalem, qu’un battage médiatique bien orchestré a tenté de promouvoir comme étant celle de Jésus (2).
Face au monticule du Golgotha, le tombeau Joseph d’Arimathie est le tombeau classique d’une famille patricienne de Jérusalem, creusé horizontalement à flanc de rocher, dans l’affleurement des strates des anciennes carrières de pierre.
L’entrée se fait donc non pas un puits vertical, mais par une étroite ouverture à ras du sol, haute d’environ 1 m – 1,20 m, qui oblige à se baisser fortement. La tombe, à laquelle on accède par quelques marches, comporte deux petites pièces creusées dans le roc : une antichambre avec une banquette pour permettre aux parents de pleurer le défunt, puis une chambre funéraire d’environ 4 m (2 m sur 2), dans la paroi de laquelle, à droite en entrant, à un mètre environ du sol, a été creusée au burin une niche (arcosolium) surmontée d’un arc semi-circulaire, avec à la base un rebord plat pour recevoir la dépouille.
Afin de faire pénétrer le corps, les porteurs exécutent un demi-tour. Celui qui tient la tête entre le premier à reculons, en se baissant fortement. Les pieds sont ainsi disposés vers l’ouverture. Sur le rebord de la niche, on a répandu un matelas d’aromates, auquel on a ajouté des cristaux de sel. On pose ensuite la moitié du linceul, sur lequel on étend le corps raidi de Jésus, le flanc gauche du côté de la paroi. La tête, que l’on est parvenu à ramener dans l’axe du Corps, reste penchée en avant. Il est inutile de l’entourer d’une mentonnière, car la rigidité cadavérique (3) a serré depuis longtemps la mâchoire. On rabat sur le corps l’autre moitié du linceul. On borde les coins du drap qui dépassent (4). La dépouille se trouve ainsi entière-ment enveloppée. Pour fixer le linceul, on enroule probablement autour de la taille puis des chevilles une bande latérale de dix centimètres de large découpée dans la longueur (5). Le sudarium qui a couvert le visage de Jésus a été enlevé et roulé à part dans le tombeau.
La mise au tombeau a été hâtive, mais définitive. Elle a été pratiquée à la manière juive, le corps étendu sur le dos, les mains croisées sur le pubis (c’est dans cette position que l’on a retrouvé les ossements d’un homme dans le cimetière de Qumrân). Mais ni les cheveux ni la barbe n’ont été coupés, ni le corps habillé d’une tunique. La question se pose en revanche de savoir s’il a été ou non lavé. Pour Frederick T. Zugibe, professeur de pathologie à Columbia, la toilette funèbre aurait été faite sommairement (6). Pour d’autres chercheurs, il n’en a rien été. Tailladé de plaies, couvert de sang, de sueur, le corps serait resté en l’état.
Notes
(1) Louis-Hugues Vincent, « Garden Tomb : histoire d’un mythe », Revue biblique, XXXIV, 1925, p. 401-431.
(2) On y avait trouvé en 1980 les ossuaires de plusieurs riches familles judéennes ayant vécu à l’époque du Second Temple, dont certains portaient les noms de « Jésus, fils de Joseph », de « Marie et Marthe », de « Judas, fils de Jésus », de «Matthieu ». Les archéologues sérieux ont récusé l’identification de ces personnes avec Jésus de Nazareth et son groupe (thèse bruyamment soutenue en 2007 par les cinéastes James Cameron et Simcha Jacobovici dans leur documentaire The Lost Tomb of Jesus et relayée par James Tabor, professeur à l’université de Caroline du Nord dans son livre La Véritable Histoire de Jésus, une enquête scientifique et historique sur l’homme et sa lignée, Paris, Robert Laffont, 2007). On a souligné notamment la relative fréquence au sein de la population juive de l’époque des prénoms en question : 9 % pour Jésus, 14 % pour Joseph, 10 % pour Judas, 5 % pour Matthieu, 25 % pour Marie, etc. « En définitive, écrit Estelle Villeneuve dans son article “Le vrai-faux tombeau de Jésus” (La Recherche, janvier 2008, p. 57), aucun des arguments principaux sur lesquels repose la thèse développée dans Le Tombeau perdu de Jésus ne résiste à la critique scientifique. »
(3) Un curieux bonnet, formé de plusieurs épaisseurs de lin, conservé dans la cathédrale de Cahors, passe pour avoir été la mentonnière du Christ. Malheureusement, il n’a pas encore fait l’objet d’études scientifiques comme les autres grandes reliques de la Passion. Il comporterait des traces de sang, sept à droite et cinq à gauche, correspondant aux marques de la couronne d’épines. À supposer qu’il soit authentique, il est possible qu’on l’ait d’abord fixé sur la tête du mort, mais qu’ensuite on l’en ait enlevé, comme étant inutile du fait de la rigidité cadavérique. En tout cas, le linceul ne fait apparaître aucune trace de ce bonnet. Sur cette «coiffe» de Cahors, voir Robert Babinet, Le Témoin secret de la Résurrection, Paris, Jean-Cyrille Godefroy, 2001.
(4) On relèvera des traces de sang sur ces morceaux de drap ainsi pliés.
(5). Cette bande sera recousue sur le linceul peu de temps après la découverte du tombeau vide, puisque cette couture, selon Mme Flury-Lemberg, experte en tissus anciens, date du 1er siècle et ressemble à des coutures de linges trouvés à Massada.
(6) Frederick T. Zugibe, « The man of the shroud was washed », Sindon, nouvelle série, n° 1, juin 1989, 171-177.